MARIA EMMA GALBA / PLAYTIME

MARIA EMMA GALBA ou la mise en dialogue d’un motif apparemment abstrait et d’une sensation de l’ordre du décoratif

La question du décoratif a longtemps tourmenté l’abstraction, soit pour si adonner, soit pour l’éviter absolument. Avec Maria Emma Galba, on pourrait simplement parler de peinture expressive, d’une œuvre commentant la véracité du coup de pinceau en tant que marque de l’artiste elle-même. Son langage pictural singulier établit une synchronie entre le geste de l’artiste et la lecture de l’œuvre. Le spectateur est emporté dans un même temps, dans le moment présent, par le mouvement des formes et des couleurs. Et que donnent-t-elles à voir sinon la mobilité du corps de l’artiste : l’action du poignet, ensuite l’élan du bras et de l’épaule, puis le dynamisme du torse et des jambes, enfin les incessants allers-retours devant/autour de la peinture pour vérifier la justesse de la ligne, de l’aplat, de la coulure.

Il n’y a jamais dans la peinture de MEG la tentation d’un effacement, d’une peinture sans elle ou sans motif. ELLE est là, habitante de la toile – même des plus petites -, blottie, serrée à l’intérieur des formats plus intimes, étendue toute entière dans les plus grandes. Tout au long de son œuvre, cette sensation de gestualité ne s’éloigne jamais, contrôlée le plus souvent, sans être jamais mécanique. Jusque dans les portraits ou les tableaux aux motifs répétitifs, on perçoit la spiritualité d’une abstraction organique, un sérieux et une concentration sur l’esprit et l’image qui se retrouvent aussi dans les peintures monochromes.

Playtime renvoie au jeu et à la liberté d’échapper, ne serait-ce que l’espace d’un instant, à la gravité de l’époque. Ainsi, cette série présente des traits larges et vifs. Le blanc, l’orange, le rouge et le bleu dominent des compositions denses et énergiques recouvertes d’une épaisseur de peinture qui laisse transparaître les différentes couches et donnent aux œuvres une qualité tridimensionnelle. Elles font Figure, au sens de la philosophie de Michel Guérin – avec une majuscule initiale – tel qu’il le décrit dans Philosophie du geste et Le geste de penser : « Le geste “du“ penser ou de la pensée n’est pas repérable par le commencement et la fin d’une action, ni reconnaissable à une attitude. La pensée n’a pas d’extérieur » (Actes Sud,1995).

On peut songer immédiatement aux grands maîtres de la peinture expressionniste, à Willem de Kooning, Arshile Gorky… ou à Dubuffet lorsque parfois semble surgir une physionomie ou un animal mythologique. Loin du scepticisme à l’égard de la peinture des années 60, on sent chez Maria Emma Galba une adhésion totale à la peinture, proche de la sensualité et de l’intuition de la phase postmoderne des années 1980. Une peinture non représentative qui puiserait dans le travail d’Albert Oelhen ou de Katarina Grosse. Plus proche de nous, c’est dans l’énergie partagée d’un peintre comme Korakrit Arunanondchai qu’il faudrait chercher cet exercice de déplacement de la peinture dans une sphère communicationnelle.

Peut-on encore parler de peinture de chevalet, lorsqu’il s’agit d’une telle irruption physique ? Il faut imaginer que le geste n’est que la partie émergée de ce qui s’agite dans l’esprit de l’artiste. Si l’on appliquait le principe de la poussée d’Archimède à la peinture – comme on le fait pour l’iceberg -, on pourrait imaginer que 75 à 90 % de la masse de l’énergie cérébrale générée par MEG restent immergés et que la part donnée à voir, ce jaillissement coloré et parfois magmatique, n’en représente qu’une infime partie. La lave et le glaçon… D’autres coulées sont à venir.

Christian Pallatier – historien d’art, commissaire d’exposition indépendant

Commanditaire Eponyme Galerie


Playtime
Du 19 Mai au 25 Juin 2022


On peut songer immédiatement aux grands maîtres de la peinture expressionniste, à Willem de Kooning, Arshile Gorky… ou à Dubuffet lorsque parfois semble surgir une physionomie ou un animal mythologique. Loin du scepticisme à l’égard de la peinture des années 60, on sent chez Maria Emma Galba une adhésion totale à la peinture, proche de la sensualité et de l’intuition de la phase postmoderne des années 1980.


Extrait de texte, Christian Pallatier 2022

Nous remercions chaleureusement :

Christian Pallatier, Galerie BAG
Rébecca Chemouil, Agence Pony
Julien Lavoine, Charpentier
Simon Perrin,  Artiste
Rihab Hdidou, Salade Tomate Oignon